Plus je passais du temps à Alticio, plus je me rendais compte de l’importance de cette ville et de l’espoir qu’elle insufflait à la population grandissante. C’était toujours une aubaine de voir de nouvelles têtes s’installer dans la ville. Mais depuis quelques semaines, les arrivages se faisaient de plus en plus rares. J’en avais touché quelques mots à Lewine et j’avais le sentiment que le dôme ne disait pas tout à sa population. Probablement qu’ils agissaient sur la peur, prétextant Alticio City d’être sujette aux radiations du trou noir. Alors oui, on subissait de plein fouet les radiations, mais après de nombreuses études il a été démontré qu’on ne subissait aucune déformation, qu’on ne développait aucune maladie.

Le plus inquiétant dans l’histoire était le manque cruel de soldats et d’armes. New York avait décidé d’arrêter de nourrir Alticio en protection. Je ne savais pas trop si c’était en partie à cause de la relation tendue entre Lewine et Leo, mais une chose était sûre, on ne pouvait pas continuer sans former les Alticiens au combat. Pas qu’on menait une guerre contre la Horde ou le dôme, mais il fallait savoir se défendre face aux menaces extérieures. La ville grandissait, s’élargissait et bientôt les murailles deviendraient obsolètes. Il faudrait songer à construire en dehors de la ville, cultiver des terres un peu plus loin vers une Zone Extérieure hostile.

Je longeais la muraille, arme à la main, observant les environs. On n’était jamais à l’abri d’une attaque. Un guépard aux dents de sabre qui rôde, un membre de la Horde qui chaparde nos terres …

En remontant un petit chemin cahoteux, je remarquais la présence de cultivateur. Au loin, Jarod qui donnait des conseils à Tyler et d’autres agriculteurs. Je levais la main dans sa direction, sans attendre qu’il me réponde. Je savais que nos relations n’étaient pas au beau fixe, mais il restait quelqu’un que j’estimais beaucoup. Sans regarder où je mettais les pieds, mes jambes percutèrent de plein fouet une masse molle.

« Ho mince pardon ! »

Je venais de renverser une gamine accroupie au sol qui visiblement travaillait la terre. Je lui tendis la main pour l’aider à se relever tout en m’excusant de l’avoir percuté si brusquement.

« Je suis désolé, sincèrement, je ne regardais pas où je mettais les pieds. »

Elle me lorgnais d’un curieux regard. Il n’y avait pas beaucoup d’enfants à Alticio. La plupart des familles restaient à New York et les plus téméraires préféraient attendre que leurs enfants grandissent sous le dôme avant de rejoindre la nouvelle ville.

« Tu travailles ici ? Tu n’es pas sensé être en classe ? Ne me dit pas que Jarod t’exploite, sinon il va m’entendre ! » dis-je faussement offusqué. « Que faisais-tu accroupie, les mains dans la terre ? »

Elle était assise en tailleur sur l'herbe les mains plaquées sur la terre gelée. La graine était plantée dans le sol depuis plusieurs jours et Louise n'arrivait à rien. Même pas à faire sortir une petite pousse du sol craquelé. Pourtant, elle avait eu les encouragements de Jarod et s'était appliqué à un tas d'autres exercices. Mais aujourd'hui, rien ne se passait comme prévu. Ca faisait un moment qu'elle était là maintenant, pestant contre elle même.

Quand c'était comme ça, Louise préférait s'en aller, prendre son skateboard et circuler dans les ruelles de la ville, claquant les roues de sa planche sur le pavé. Mais elle s'était juré d'y parvenir avant que la lune ne soit trop basse. Elle observait du coin de l'oeil Jarod et Tyler au loin. Ils discutaient tout ne récoltant les premiers légumes de la saison et elle, elle s'efforçait encore à se concentrer. Inutilement puisqu'il ne se passait strictement rien.

Soudain, quelqu'un la percuta de plein fouet.

- HEY ! Regarde où tu mets les pieds !

Louise se leva immédiatement en fronça les sourcils et en serrant les poings. L'homme qui se tenait devant elle était un putain de soldat. Comme ces Defenders à New York qui se croyaient tout permis. Louise les détestait.

- Bah oui tu peux être désolé ! J'ai super mal à l'épaule !

Elle se massa l'épaule d'une façon totalement exagéré, puis se retourna vers son activité. Plaquant les mains au sol, l'air renfrognée, Louise essaya cette fois ci d'y mettre un peu plus du sien, de la colère même. Mais rien ... rien ne se produisit. A la remarque du soldat, Louise leva les yeux au ciel, exaspérée.

- Mon dieu mais tu m'as prise pour une gamine ou quoi ?! Je travaille ici oui, et je suis employée. T'inquiètes, Jarod est trop bon pour m'exploiter. Et là j'essaie de faire pousser une putain de graine, mais j'y arrive pas ! Raaaah !

De rage, Louise attrapa une motte de terre gelée et l'envoya loin dans les airs.