Il avait été indiqué avec une certaine formalité, qu’elle ne devait en aucun cas quitter les lieux. Mais Clémence n’en pouvait plus. Certes elle avait misé gros sur la sécurité de cette ville et la sienne, mais vivre cloitrée dans cette tour de verre ne lui suffisait plus. Elle avait besoin de sortir et respirer l’air du dôme. Bon sang, c’était trop demandé que d’arpenter la ville sans être agressée ? Pourquoi le Concile trainait-il avait la sécurité ? Heureusement pour elle, son pouvoir lui permettait de se transformer en n’importe qui. Alors elle prit l’apparence de la femme de chambre et attrapa son sac à main pour quitter les lieux incognitos. C’était toujours excitant quelle que soit la situation. En utilisant son pouvoir, Clémence avait l’impression d’être une gamine de 10 ans. Mais ce n’était pas normal de devoir l’utiliser pour ses petits plaisirs personnels qui devaient être sécurisés.

Quitter les Hauts Quartiers n’était jamais compliqué. Pour y rentrer, elle reprendrait son apparence normale munie de ses papiers. Mais elle savait que la sécurité l’embêterait pendant quelques instants. Pour le moment, elle allait profiter de cette apparence disgracieuse pour quelques heures de liberté. En passant devant des vitres, Clémence considéra son apparence avec mépris, puis haussa les épaules comme si ça n’avait aucune importance. Cette femme de chambre n’irait jamais dans les endroits qu’elle souhaitait côtoyer de toute façon. La 5ème avenue lui tendait les bras et Clémence n’allait pas se priver d’une virée boutiques de luxes. Elle se transformerait en Saint Claire dès qu’elle passerait le pas de la porte et tous les sacs à mains hors de prix seraient à elle sans hésitation. Elle adorait faire cet effet aux gens, qu’ils se plient à ses désirs. Pourtant, Clémence n’avait pas toujours été une femme avec autant d’influence.

Mais nous n’allons pas parler du passer. Que c’est ennuyant. Une fois ses courses faites, la femme d’affaire quitta les boutiques de luxes pour se poser sur une bancs et profiter des rayons du soleil. Puis son téléphone vibra. Elle y jeta un coup d’oeil. Les affaires allaient reprendre de plus belle, jamais tranquille. Elle appela son chauffeur afin qu’il vienne la retrouver dans Manhattan. Celui-ci interloqué, demanda ce qu’elle faisait là. Bien entendu, Clémence haussa le ton et son chauffeur rappliqua sans trop poser de questions. Elle lui demanda de veiller sur ses sacs et de l’emmener jusqu’à l’adresse indiquer sur le téléphone. Au même moment, une équipe de gardes du corps suivait le chauffeur.

Ils traversèrent la ville, puis le bidonville, puis débouchèrent dans les quartiers dortoirs qui s’étendaient à perte de vue. Afin de ne pas paraitre trop louches, Clémence demanda à la sécurité de ne pas coller sa voiture. Elle aurait voulu faire ça seule. Elle demanda au chauffeur de se garer et au détour d’une rue, elle prit l’apparence d’un vieil homme asiatique croisé dans la 5ème avenue. La sécurité tournait en rond, dans l’espoir de la retrouver. Elle les avait semé et pouvait donc reprendre sa route, vers la bonne adresse, situé à deux pas de maisons.

C’était une maison américaine des plus basiques, avec son petit portail en bois blanc et sa façade fraichement repeinte. Clémence toqua à la porte, celle-ci s’ouvrit doucement. L’intérieur était totalement vide et Clémence se transforma aussitôt en elle même. Dans le salon se trouvait juste une table ronde, et deux chaises. Un homme était assis dans la pénombre, ses bras étaient massifs et il respirait fort. Dans ses mains, un rapport.

- Monsieur Blackwell …

Cette maison était parfaite pour ne pas être pris sur le fait. Luke devait partir au plus vite de New York. Mais il avait reçu cette missive d'un ou d'une inconnu, lui indiquant connaitre ses intentions, qui il était et pourquoi il était venu ici. Au départ, Luke pensait à une blague minable, à ne pas prendre en considération. Mais après quelques temps de réflexions, il ne pouvait pas prendre ces menaces à la légère. S'il revenait auprès de Pylos en laissant derrière lui des traces de son passage au dôme, alors tout le projet serait compromis et pire encore, Pylos lui en ferait voir des vertes et des pas mures. Et se prendre la colère de Pylos en pleine face, il préférait éviter.

Alors il avait répondu au numéro inscrit sur le message, en disant qu'il attendrait à l'adresse indiquée. C'était une maison typiquement américaine, en bois, qui ne payait pas de mine au loin. Curieusement vide, elle était problablement dans l'attente d'accueillir de nouveaux propriétaires. Luke poussa la porte, celle ci étai ouverte. Il attendit dans le salon, plongé dans la pénombre, assis sur un des deux fauteuils qui tronaient là. La lumière du jour passait au travers des stores. Il attendait le coeur battant, ses doigts pianotant avec impatience sur les bras du fauteuil, caressant le tissu en velours.

Soudain la porte s'ouvrit et une femme apparut. Elle était grande, fine, élégante et ses cheveux argentés bien coiffés, montraient qu'elle faisait partie de la haute société. Luke déglutit péniblement, et se leva de son siège, les poings serrés. Il était prêt à en découdre s'il le fallait. Quand elle prononça son nom, il se raidit, puis inspira profondément prenant son courage entre ses deux mains et essaya de ne montrer aucun signe de peur ou de tergiversation.

- Que me voulez vous ? Pourquoi m'avoir donné rendez vous ici et surtout pourquoi cette lettre de menace ? Qui etes-vous ?

Il la toisait d'un oeil méfiant et mauvais. Bombant le torse, il imposait vraiment dans l'obscurité. Il pouvait foncer sur elle, plaquer sa tête contre un mur et s'en aller. Mais il avait besoin de connaitre les réponses à ses questions avant de prendre la fuite.

Ca l'amusait bien de le voir ainsi, complètement paumé et sur la défensive. Elle savait parfaitement qui il était et quel double jeu il menait. Ou du moins, quel triple jeu ? Elle n'en était pas totalement sûre, mais Clémence n'était pas dupe. Elle l'avait remarqué, son allure, sa posture, tout en lui émanait la traitrise. Et c'est de ça dont elle avait besoin. Assise sur sa chaise, Clémence considéra un long moment l'homme qui se tenait face à elle, tout arc bouté. Il donnait l'impression de pouvoir bondir sur elle à tout moment, les poings serrés, n'hésitant pas l'ombre d'un instant à la rouer de coups. Mais Clémence était une figure importante dans le monde et son visage n'était pas inconnu. S'il n'était pas complètement idiot, il savait à qui il s'adressait. L'objet de leur rencontre, au contraire, était un réel mystère pour lui. Ce qui l'agaçait visiblement et Clémence pouvait le comprendre.

Un sourire torve se dessina sur ses lèvres rouges et la femme se leva pour se diriger doucement vers lui. Le bruit de ses talons sur le sol raisonnait Dans toute la pièce. Arrivée à sa hauteur, elle le considéra d’un air hautain, clairement supérieur. Clémence n’était pas du genre à se soumettre face à l’agressivité et la férocité. Et si jamais il l’attaquait, elle n’avait qu’à reproduire la forme humaine qui se trouvait face à elle pour résister. Comment pourrait-il lutter contre son propre poids et sa propre force ?

« Je sais tout de vous Mr Blackwell. Vous vous cachez tel un caméléon dans cette ville pour y récolter des données, pour je ne sais quel but. Afin de les divulguer à Alticio. C’est Lewine qui vous envoie ? Pourquoi s’intéresse-t-elle à ce point au dôme, sachant qu’elle est partie construire sa petite ville le plus loin possible d’ici ? Eprouvent-ils des difficultés ? Ont-ils besoin de données pour reproduire ce que nous avons construit ici ? »

Elle menait un interrogatoire, oui, mais Clémence avait besoin de savoir ce que faisait un espion ici. Il n’aurait pas le choix de tout lui divulguer si voulait repartir en un seul morceau.

« Vous pouvez tout me dire et me faire confiance. Je ne vous ferai aucun mal si vous coopérez. »