Ca faisait un mois que Camille ne comprenait plus Dean. Il était distant. Et malgré tout les efforts qu'elle faisait, elle avait la vague impression qu'il s'éloignait de plus en plus d'elle. Pourtant, leurs familles respectives ne pouvaient pas le permettre. Et il était temps de mettre les choses au clair. Soit il ne l'aimait plus, et dans ce cas ils devraient au moins jouer la comédie pour que leurs parents ne sachent rien. Soit il l'aimait encore, mais quelque chose le tracassait.

Dans tous les cas, Camille ne supportait plus cette situation. Elle aurait voulu en parler tranquillement dans la Salle Commune des Serpentard, mais il était là. Entouré de ses fidèles amis, riant comme si de rien n'était, au bout de la table des Verts et Argents. Camille traversa la Grande Salle d'un pas bien décidé, les mains bien accrochées sur la hanse de son sac à dos. Des têtes se retournèrent sur son passage. La Sang Pur faisait un effet qui donnait froid dans le dos. Son bras en écharpe, elle faisait presque de la peine à voir. Mais beaucoup avaient espéré qu'elle ne puisse plus jamais reprendre du service au Quidditch. Sauf que Camille était sur le point d'être enfin guérie.

Elle s'arrêta net, à quelques centimètres du visage de Dean, le fusillant d'un regard noir.

- Dean, faut qu'on parle.

Pas un regard, pas une salutation pour les autres. Ils ne signifiaient rien de toute façon. Elle lui attrapa le poignet de sa main gauche valide, puis le tira avec force du groupe pour l'empêcher de fuir ses obligations.

- Maintenant !

Le ton était sec, froid et cassant. Elle en avait plus qu'assez de le voir fuir. Alors elle le tira jusqu'au bout de la table des Verts et Argents, où les oreilles se faisaient plus discrètes. Elle s'installa et indiqua à Dean de faire de même d'un geste de la main. Elle dégagea ses longs cheveux fins en arrière, puis laissa échapper un lourd soupire.

- Qu'est-ce qui se passe entre nous deux ? Tu m'expliques ? C'est quoi ce cirque que tu me fais depuis un mois ? Tu sais très bien qu'on ne peut pas continuer comme ça. Pas avec nos familles sur notre dos.

Parfois elle se demandait ce qui se passait dans sa tête, s'il réfléchissait deux secondes aux conséquences de ses actes égoïstes. Mais Dean était comme ça. C'était un égoïste. Sauf qu'elle pensait d'une manière globale, qu'elle pensait à leur avenir et leurs privilèges. Et passer à côté de ça, ce n'était pas possible.

Ca faisait un mois que ça n'allait plus trop entre Dean et Camille. Enfin ... c'était plutôt le ressenti de Dean. Il n'allait pas bien depuis l'incident du Cachot et quand il avait su que Camille s'était blessée au Quidditch, il s'était senti encore plus mal de ne pas avoir été présent au match. Mais son coeur balançait pour une autre fille. Et ça ... il n'était pas certain que Camille puisse l'entendre. Alors, tel un lâche, il s'était peu à peu éloigné d'elle. Se réfugiant dans son groupe d'amis, en espérant qu'elle finisse par se lasser de son attitude. C'était sa manière à lui d'affronter les problèmes que rencontrait leur couple. Un couple qui finalement avait été forcé par leurs familles.

Dean et Camille se connaissaient depuis longtemps. Bien avant Poudlard. Et leurs parents avaient tout misé sur leur union. Alors oui, le destin avait fait en sorte qu'ils s'aiment automatiquement. Au départ, du moins, ils avaient cru que leur amour était réel, inébranlable et depuis sa cinquième année Dean était sûr de ses sentiments pour Camille. Mais depuis peu, il était tombé sous le charme de Ginny. Une jeune Serdaigle au visage anguleux et aux yeux en forme d'amandes. Il ne pouvait pas nier le fait qu'être avec Ginny changeait tout.

Le Sang Pur n'avait clairement pas pensé aux conséquences de ses actes et ne s'imaginait pas un seul instant que Camille lui rappellerait que leur amour, même fictif, devait être exposé aux yeux des autres. Noël serait dans moins de deux mois et les familles Offenspring et Melbourne se réuniraient dans le même salon, autour du même sapin, pour célébrer leurs voeux. Dean et Camille, devront ce jour là, se tenir main dans la main et sourire bêtement ... et Dean en avait marre de faire semblant. Il aimait encore Camille, mais ne pouvait cacher son désir d'aller plus loin avec Ginny.

Alors qu'il discutait tranquillement avec ses amis, une main l'extirpa du groupe. Les potes de Dean ricanèrent de la situation. C'était toujours humiliant qu'une fille prenne les devants face aux garçons. Alors Dean dévisagea Camille d'un regard noir.

- Oui, oui ! Ca va ! Qu'est-ce que tu me veux ?

Il suivit Camille jusqu'au bout de la table, puis s'installa en face d'elle. Il posa ses bras devant lui, baissant légèrement son regard sur ses mains, puis ses doigts qui s'entremêlaient. Il n'osait pas affronter le regard courroucé de la jeune Serpentard. Et visiblement Camille voulait parler de leur relation au beau milieu de la Grande Salle.

- T'es sérieuse ? Tu veux parler de ça maintenant ?

Sans le vouloir, Dean roula des yeux puis lâcha un lourd soupire. Il était embarrassé parce que lui même ne savait pas trop où il en était dans cette histoire.

- Tu crois que je fais exprès ? C'est juste que ... je sais très bien ce qu'on risque avec nos familles, mais j'en ai plus que marre de faire semblant. Tu n'en as pas marre toi ?

Il était sûr que si.

- T'es de plus en plus irritable quand on est ensemble. J'ai l'impression que tu te forces à être heureuse à mes côtés, mais qu'en fait ça te pèse plus qu'autre chose. Et moi ... je suis finalement bien avec quelqu'un d'autre.

Voilà c'était dit. Dean releva sa tête en direction de Camille, plantant ses yeux noirs dans ceux de sa petite amie. Qui deviendrait probablement son ex bientôt. Son coeur ne battait pas plus vite. Il voulait juste mettre les choses au clair.

Elle avait eu le nez creux. Camille sentait la pression sur ses épaules depuis plusieurs mois maintenant. Ca commençait déjà avant les vacances scolaires. Tout l'été, elle avait fait semblant que tout allait bien. Les familles Offenspring et Melbourne s'étaient vues à plusieurs reprises lors de soirées mondaines et pourtant elles n'y avaient vu que du feu. De la part de Camille, c'était plutôt culotté de venir faire des reproches à Dean. Mais elle estimait qu'il ne faisait plus le moindre effort pour elle. Qu'il avait quitté le navire sans essayer de le maintenir à flot. Et ça l'énervait de le voir aussi lâche. Ils pouvaient au moins faire semblant, continuer à briller en société et faire croire à tous que leur couple fonctionnait. Car ils étaient destinés l'un à l'autre.

C'était lui qui avait merdé, pas elle. Bien sûr, elle avait eu un petit écart avec Masen. Mais ce n'était qu'un baiser. Un seul baiser. Et il ne s'était plus rien passé depuis. En plus, elle n'avait rien dit à ce sujet, à quiconque. Soit Masen s'en était vanté auprès de ses camarades et l'histoire s'était ébruitée jusqu'aux oreilles de Dean. Mais elle connaissait assez bien Masen pour ne pas agir de la sorte, surtout que lui aussi avait une petite amie.

- Bien sûr que si j'en ai marre, tu me crois à ce point insensible ?

Camille fulminait. Ses joues étaient pourpres et son regard sombre. Son bras en écharpe, elle était lasse de tout. Parce qu'elle avait perdu son match contre Poufsouffle, parce que Dean n'avait même pas pris la peine de venir la soutenir, parce qu'elle avait peur de ne jamais plus pouvoir remonter sur un balai et de perdre son statut de capitaine. Mais ça, il ne pouvait pas le comprendre, parce qu'il lui avait tourné le dos depuis la rentrée scolaire.

- Ah oui ?! Tu es bien avec quelqu'un d'autre ? C'est qui cette guourdasse que je lui rappelle qui tu es, qui nous sommes ?!

Elle leva les yeux au ciel. Il ne comprenait rien à rien. S'en était navrant. Camille se fichait bien des oreilles indiscrètes. Il y avait peu d'élèves et ils étaient assez à l'écart pour qu'on ne comprenne pas leur conversation. Juste des éclats de voix et de la colère. De l'eau dans le gaz dans le couple des Sang pur.

- Tout ce qu'on a Dean, tous les prestiges que l'on peut avoir, tu veux les voir s'envoler ? Pour une fille qui ne comprend pas les enjeux ? On est destiné à être ensemble ... mais toi, tu es trop égoïste pour essayer de comprendre ça hein ! Et tu serais prêt à remettre toute la faute sur moi ... si ce n'est pas pitoyable.

Elle posa son index sur le buste de Dean, le poussant légèrement en arrière.

Bien sûr que non il ne la trouvait pas insensible. Quoique ... parfois il se demandait s'il la connaissait vraiment. Le sang pur leva les yeux au ciel, ne tenant plus à se cacher. Il se fichait bien des conséquences, des pertes que cela allait engendrer. Mais en même temps, il savait que derrière cette amourette se cachait une toute autre histoire. Une histoire de titre, de famille, de richesse. Ca allait bien au delà d'eux. Même si pendant de longues années Dean s'était toujours vanté d'être un Sang Pur auprès de ses camardes, aujourd'hui il voyait ce rang comme une véritable peine.

Ne pas être amoureux de qui l'on veut. C'était absurde, surtout en l'an 2000. Une nouvelle air s'offrait à eux et il était temps de casser les codes, de se moderniser. Mais à quel prix ? Camille lui rappelait que tout ce qu'il possédait, il l'avait grâce à la pureté de son sang. Par l'union de leurs familles. Elles agissaient ensemble et devaient rester souder. Depuis leurs 15 ans, leurs parents avaient tout planifié pour leurs fiallancailles. Après l'obtention de leurs ASPIC, Dean et Camille connaissaient leur destinée. Un mariage absolument grandiose et ils finiraient par reprendre l'entreprise de leurs parents. Cette idée était déprimante. Surtout que depuis peu, le coeur de Dean était dévoué à une autre fille. Ginny Carlson.

- Ginny Carlson

Il n'avait plus peur de dire son nom. Il ne voulait plus se cacher dans l'ombre. C'était avec Ginny qu'il voulait déambuler dans les couloirs, un large sourire aux lèvres. Pas avec Camille, marchant à un mètre de distance, l'air maussade.

- Bien sûr que non je ne veux pas voir tout ça s'envoler. Mais on est malheureux toi et moi, ça se voit comme un furconcle au milieu de la figure ! On peut parler, ensemble, à nos parents. Leur dire que cette union n'a pas de sens, qu'on n'est plus au Moyen Age ! Que leur entreprise familiale continuera à prospérer malgré l'introduction d'autres personnes. J'aime Ginny et elle m'aime. C'est tout ce qui compte. On se fiche bien de cette union ... cette mascarade qui ne mène nulle part. Nos parents sont intelligents, ils comprendront.

Malgré le repoussement de Camille, Dean lui plaqua ses mains sur ses épaules.

- Camille calme toi s'il te plait ...

Il posa ses yeux sombres sur son visage lisse. Elle était belle, même en colère. Mais il ne l'aimait plus. Plus comme avant du moins.

- J'assumerais mes actes. Je ne remettrais rien sur ton dos, je t'assure. Fais moi confiance. On fait ça pour nous deux d'accord ? Tu mérites autant que moi de trouver l'amour, le vrai. Ce rôle qu'on joue là ... ça ne peut pas tenir dans le temps. Et tu le sais très bien.

C'était pour ça qu'elle était en colère. Parce qu'elle avait perdu la partie. Et Dean le savait bien.

Ginny Carlson ? Il était sérieux ? Cette petite Serdaigle prétentieuse qui n'avait rien ... d'exceptionnelle ? Comment Camille pouvait elle être remplacée par une fille aussi fade et dénuée du moindre intérêt ? Elle n'en croyait pas ses oreilles. Tout son monde s'écroulait et se dérobait sous ses pieds. Dean gâchait tout. Absolument tout. Bien sûr, elle aurait pu faire plus d'efforts de son côté, mais elle s'était imaginée qu'ils finiraient par parler de leurs problèmes. Mais non, Dean avait choisi de la tromper et de fuir ses responsabilités. Il mettait clairement en péril une affaire concernant deux familles pour une amourette passagère qui n'avait aucun sens. Camille ne comprenait pas. Il avait été élevé avec certaines valeurs non ? C'était un sang pur et Ginny Carlson une Sang mêlée.

Serrant les poings, Camille recula d'un pas. Elle ne comprenait pas. Elle secoua la tête essayant de chasser l'image de Ginny de ses yeux. Elle voulut rétorquer, mais Dean s'empressa de lui expliquer pourquoi il avait agit de façon aussi stupide et irréfléchie. Il disait qu'il fallait parler aux parents, leur faire comprendre que leurs idées étaient archaiques et qu'il était temps de moderniser leurs pensées. Mais Camille n'écoutait pas vraiment les propos de Dean. Parce qu'elle savait que cette envie était naive et qu'elle mènerait forcément à la destruction de l'entreprise familiale. Jamais leurs parents n'approuveront.

Il exigeait d'elle, qu'elle se calme, posant ainsi ses mains sur ses épaules. Camille se raidit, mais ne broncha pas. Lui faire confiance ? Après le coup de poignard dans le dos qu'il venait de lui faire ? Comment pouvait-il lui demander une chose pareille ? Elle se dégagea finalement de son empreinte, d'un mouvement d'épaule un peu brusque.

- Tu me demandes de me calmer ? Mais tu vis sur quelle planète Dean ? On n'est pas dans le monde des bisounours là ! Tu crois qu'en parlant avec nos parents tu arriveras à les convaincre que ton idée est la bonne ? Mais tu te fourres le doigt dans l'oeil mon pauvre ! Mes parents n'accepterons jamais l'idée que je puisse épouser un homme par amour. Surtout s'il n'est pas du même rang. Je ne sais pas si tu es au courant ... et visiblement non, mais nos parents ont signés des accords. Nous sommes engagés Dean. Tu n'as pas le choix.

Elle détourna son regard vers la table des professeurs. Des oreilles se tendaient dans leur direction. Il n'était pas commun de voir le fameux couple de sang pur se disputer en public. Ils étaient plutôt discrets en général.


Même si Camille était en colère contre lui et la petitesse de son esprit, elle n'en restait pas moins attachée. Elle ne voulait pas qu'il lui arrive malheur et elle savait comment ses parents pourraient réagir en apprenant la nouvelle. Après leurs ASPIC ils devront se marier. Tout était déjà prévu, payé. Si Dean proclamait son amour pour Ginny, alors il risquait de tout foutre en l'air et d'attirer les foudres des parents de Camille. Et probablement de ses propres parents.

- L'amour, le vrai, n'a pas sa place dans notre monde. J'étais simplement ... distante avec toi parce que j'étais très occupée dans ma tête. Parce que j'étais blessée de ne pas te voir dans les gradins lors du match qui nous opposait à Poufsouffle. Et toi ? Tu en as profité pour aller voir ailleurs au lieu de venir me parler ... C'est ... pitoyable.

Elle inspira lourdement avant de reporter son regard noir sur le visage de Dean.

- Pense à notre avenir, à nos familles. Revois ta position. Tu fonces dans le mur Dean.