08 octobre 2000

Revenir à Londres fut trop bien difficile pour Jim. Accepter l'idée qu'il pourrait retomber sur des souvenirs douloureux le rendait anxieux. Et il n'aimait pas être envahi par cette anxiété. New York lui avait fait le plus grand bien. Mais s'éloigner des problèmes était une preuve de lâcheté, et il détestait l'idée de refléter une telle image. Il s'était construit là bas une vie sans problèmes. Il avait eu accès à de la médecine de pointe, des nouveaux protocoles et des nouveaux processus de guérison concernant les brûlures magiques. Deux belles années à profiter de la vie, repartir de zéro et oublier ce qui l'avait mené à fuir l'Angleterre. Mais finalement, la mort de son père l'avait ramené dans sa terre natale.

Au départ, il était revenu pour les funérailles et régler tous les problèmes de succession avec son frère ainé. Puis rapidement, il s'était rendu compte que les choses étaient bien plus compliquées qu'elles n'y paraissaient. Les Tesler étaient riches. Et les relations avec ses oncles et ses cousins n'étaient pas des plus tendres. Jim aurait préféré que sa mère soit encore en vie pour unir tous ces liens, mais malheureusement, elle avait rendu l'âme quelques années plus tôt. Finalement, retourner à New York était devenue une chose presque impossible. Jim se devait de prendre soin de son frère et de s'occuper de la vente de cet appartement, ainsi que des quelques maisons éparpillées dans toute l'Angleterre, chose qu'il avait découvert chez le Notaire.

Il s'était d'abord installé à Londres, bien loin du quartier dans lequel il avait construit une vie de famille quelques années auparavant. Il était revenu travailler à Ste Mangouste, reprenant les rennes du service des grands brûlés. Mais rapidement, il s'était rendu compte que les collègues, les locaux et le travail lui rappelait beaucoup trop une vie qu'il préférait oublier. Alors il avait postulé à Poudlard, à mi temps, pour aider l'infirmière et revoir la gestion des stocks. Poudlard lui rappelait de belles années. Au moins, ce nouveau milieu dans lequel il pourrait évoluer, lui permettrait de tourner la page doucement et d'accepter son retour.

Jim s'était installé un bureau au fond de l'infirmerie. Ses relations avec l'infirmière étaient plutôt bonnes. Il avait revu la disposition des lits, le stockage des potions, des baumes, des pansements et des médicaments. Il était, pour lui, important de moderniser tout ça. Le mois de Septembre passa donc relativement vite. Il n'avait pas prit la peine de voir un seul élève, l'infirmière se chargeait de tout ça. Lui, avait le nez plongé dans la paperasse et faisait de nombreux aller-retours de la réserve à l'infirmerie. Il fallait tout réorganiser. Et entre temps, il disparaissait dans les flammes vertes de la cheminée, pour rejoindre le service de Ste Mangouste quand on avait besoin de lui urgemment. Un petit service de le professeur McGonagall avait spécifiquement mis en place pour lui, afin de lui rendre la vie plus facile.

Quand il sortit de l'infirmerie, un paquet sous le bras et le nez plongé sur un grand parchemin, il ne faillit pas voir la femme qui lui barrait le passage. Il s'arrêta net, avant de la percuter de plein fouet. Jim enleva ses lunettes à l'armature dorée, puis arqua un sourcil circonspect en la dévisageant. Cette femme lui disait quelque chose.

- Pardon, j'ai faillit vous rentrer dedans ...

Il esquissa un léger sourire en coin, puis rangea ses lunettes dans la poche avant de sa blouse blanche. Jim passa devant l'inconnue, fit quelques pas, puis s'arrêta. Il pivota sur ses talons et fronça les sourcils pour revenir vers la silhouette féminine qui n'avait pas bougé.

- On se connait n'est-ce pas ? Votre visage ... il m'est familier.

Oui. Les traits de ce visage lui disaient quelque chose. Mais il n'arrivait pas à remettre la main dessus, même en fouillant dans sa mémoire. Et Jim avait une excellente mémoire pourtant. Serais-ce ... non. Il ne pouvait pas se permettre un échec. Alors il préféra attendre que la femme en question, visiblement une professeur vue son allure, décline son identité.

Entre les cours et la rentrée je n'avais plus toute ma tête. Oui c'est ça, j'avais l'impression de perdre le fil. Pourtant j'étais habitué à tout ça. Enfin ... depuis deux ans seulement. Je reprenais le poste de Minerva McGonagall qui avait enseigné la Métamorphose à Poudlard pendant de nombreuses années. Et je me sentais pas légitime de reprendre son rôle. C'était une pression énorme que j'avais accepté l'année dernière après la reconstruction du château. Elle était venue me chercher en personne dans mon petit appartement Londonien. Moi ? Une ancienne élève. Qui l'eu cru. Qu'un jour le professeur McGonagall viendrait me chercher en personne pour me demander de reprendre son rôle.

Cette salle de classe je la connaissais bien. Dès mon entrée à Poudlard j'avais prit en affection cette matière. J'étais douée, depuis toute petite, pour la Métamorphose et tout ce qui entourait ce domaine. J'étais moi même une Animagus, tout comme l'était Minerva. Est-ce qu'elle m'avait jugée apte pour ce poste de professeur par le fait que je puisse me transformer en Corbeau ? Non ... je ne l'espérais pas.

Bon, ça faisait une semaine que mes maux de tête revenaient. Et j'appréhendais la crise à venir. Je savais que je ne pouvais pas continuer ainsi. Alors j'abandonnais mes parchemins et mes copies, quittait mon bureau d'un pas pressé et pris la direction de l'infirmerie. Il me fallait quelque chose pour calmer cette migraine qui s'installait. Surtout que je n'avais pas l'intention de faire rater les premiers cours de l'année à mes élèves.

En marchant dans les couloirs, la douleur fut plus vive. Si bien que je dus fermer les yeux l'espace d'un instant pour ne pas flancher. Et, alors que j'approchais de l'infirmerie, je faillis percuter une montagne de muscles. L'homme en blouse blanche s'excusa. Je le regardais étrangement car son visage me disait quelque chose. Oui il m'était familier ... Et lorsqu'il me retourna la question, mon visage s'éclaircit.

- Jim ? C'est bien toi ?

Il ne me reconnaissait visiblement pas. On avait vieillit. Mais je n'oublierais jamais ses yeux bleus. Ce regard ... il avait gardé le même regard que nos jeunes années à Poudlard. Je souris et me rapprochais de lui.

- C'est moi ! Jeranda ! Par la barbe de Merlin ... que le temps a filé ... ça fait quoi maintenant ? 20 ans qu'on s'est pas vu ? Non ... ça ne peut pas être aussi long. Mais ... que fais-tu à Poudlard ?

Mon mal de tête semblait lointain à présent. J'époussetais ma robe pour avoir plus d'allure. Jim m'avait toujours fait un peu d'effets, même si je connaissais très bien son attirance pour les hommes.

Il avait beau se concentrer, Jim n'était pas quelqu'un de très physionomiste. Il voyait des tonnes de patients par jour, alors se rappeler d'un visage comme celui de cette femme lui était tout bonnement impossible. Pourtant, il avait une mémoire d'éléphant. Ce n'était pas pour rien qui avait choisi la voie de la médicomagie. Apprendre ne lui faisait pas peur. Il emmagasinait bien les informations, les assimilaient bien et savait surtout les réutiliser correctement. Mais lorsqu'elle lui dit son prénom, il eut comme un éclair de lucidité dans son regard.

Elle avait vieillit. Et maigri. Jim s'approcha d'elle également, bombant légèrement le torse pour se donner plus d'importance qu'il en avait déjà. Ses yeux de biche n'avaient pas changé. Quelques rides entouraient ses paupières, mais rien de plus. Et peut-être quelques mèches grises qui parsemaient ses longs cheveux bruns. Mais Jenandra restait belle. Elle l'avait toujours été. Il esquissa un sourire en coin, un peu niais et troublé de la voir ici. Il pouvait lui retourner la question, mais de toute évidence, dans sa posture, son allure et le regard que lui jetait les élèves qui traversaient le couloirs, signifiait bien que Jenandra était professeur à Poudlard. Donc probablement plus ancienne dans les locaux que Jim.

- Jeranda ! Ca alors ! Quelle surprise !

Jim était gêné de ne pas l'avoir démasquée plus tôt. Il détestait ne pas avoir le dessus sur ce genre de chose. Il s'éclaircit la gorge avant de reprendre.

- Je travaille à Poudlard comme Médicomage ... à mi temps. Sinon je dirige le Service des Grands Brûlés à Ste Mangouste. J'avais besoin d'un peu changement après ... la guerre, tout ça ...

Oui 20 ans. 20 ans s'étaient écoulés depuis qu'ils avaient quitté Poudlard. Et il en avait vécu des choses. Terribles, mais il avait su remonter la pente tout doucement avant de revenir en Grande Bretagne.

- Tu n'as pas changée pourtant. C'est moi qui suis mauvais physionomiste. Que deviens-tu ? J'allais rejoindre le Maitre des Potions aux cachots. Tu veux m'accompagner ?

Il la trouvait pas très en forme. Un défaut professionnel sûrement. Mais il préférait ne rien dire pour ne pas alarmer bêtement. Jim était content de la voir et faire un bout de chemin ensemble leur permettrait de discuter du passé, de tout ce qu'ils ont pu traverser. Même si Jeranda devait probablement savoir ce qui s'était passé dans la vie de Jim, grâce aux journaux ...

Tout ce temps passé. Revoir Jim me faisait bizarre. Comme si le temps, soudainement, m’avait rattrapé. Il était devenu un bel homme, fort, robuste, et très charismatique. Je l’avais connu à Poudlard encore fébrile, ne sachant pas comment faire usage de sa baguette magique. Avec mes trois années de plus, je m’étais toujours sentie comme une grande sœur protectrice. Mes souvenirs sont encore intacts de cette époque, pourtant si lointaine maintenant. Et j’étais presque nostalgique. J’avais accepté ce poste d’enseignante en Métamorphose par le simple fait que les couloirs de Poudlard me manquaient. J’avais toujours eu une place dans mon cœur pour cette fabuleuse école. Il n’y avait rien d’autre de plus subjuguant à mon sens que ce château.

La reconstruction l’avait rendu encore plus beau, plus spacieux et il regorgeait de tableaux, de fantômes, de couloirs et de pièces innombrables, que j’en connaissais à peine tous les détails. J’esquissais un sourire en coin lorsqu’il m’avoua travailler à Poudlard en tant que Médicomage à mi temps. Monsieur dirigeait le Service des Grands Brûlés de Ste Mangouste ? Oh mais quel prestige ! J’avais presque envie de m’incliner. Mon visage s’assombrit néanmoins lorsqu’il fit mention de la guerre. Ca ne faisait que deux ans que Potter avait mis à terre le Seigneur des Ténèbres. On était encore tous atteint. Même si la communauté sorcière fut en liesse pendant plusieurs mois, les souvenirs de cette guerre et les pertes endurées étaient encore bien encrées en chacun de nous.

Je n’avais perdu personne, mais je connaissais, dans mon entourage, des proches qui avais perdu des êtres proches. Et j’en étais tout autant atteinte.

- Je n’aurai pas parié sur une carrière de Magicomage … mais ça te va bien cette blouse blanche. Oui la guerre … tout le monde a eu besoin de changement j’imagine. Et tant mieux !

En entrant dans cette période de paix fébrile, j’espérais que les sorciers aient retenu la leçon. Mais tout pouvait basculer à tout moment. Dans le monde magique, tout, absolument tout était friable. Même en temps de paix, Poudlard n’était jamais tranquille. Il suffisait de parler de la terrible attaque du jeune Poufsouffle. Mais je n’avais pas envie d’en parler pour le moment. Jim était un beau parleur et un grand flâteur.

- En vingt ans ? Je n’ai pas changé ? Humm … allons Jim, je ne suis pas sotte. Et je ne me vexerais pas si tu me dis que j’ai pris quelques rides. Mais c’est très flatteur !

Je lui pris son gros bras musclé et enroula mes bras malingres autour de son biceps. J’en profitais pour le tâter avec malice. Il était solide et dur … avec tout son travail il arrivait à trouver le temps pour s’entretenir ?

- Je venais à l’infirmerie pour prendre une petite potion. J’ai une migraine qui commence à pointer le bout de son nez et je n’aimerai pas la laisser s’installer. Mais je peux t’accompagner voir Pylos ensuite si tu veux bien ?

Il était Médicomage à Poudlard, cela voulait peut-être dire que l’infirmière de l’école avait pris congé ? Nous nous retournâmes vers l’infirmerie et lorsque j’ouvris la porte, je vis une jeune femme qui refaisait les lits. Visiblement, l’infirmière était toujours présente.

- Pourquoi un post à Poudlard alors que jusqu’à présent l’infirmière faisait bien son travail non ?

Je pris place au bord d’un lit fraichement fait. Ma tête me lancinait à nouveau. Trop de lumière dans cette pièce, beaucoup trop. Automatiquement, je portais mes doigts vers mon front et fronça les sourcils.

- Tu aurais une potion qui agit rapidement ?

Revenir à Londres avait été pour Jim un réel effort. Et même si sa vie avait radicalement changée depuis l’agression de sa femme et son fils, il ne pouvait pas nier que remettre les pieds dans cette ville lui faisait encore quelque chose. Il n’était pas un homme tranquille. Entre le décès de son père, les problèmes familiaux à gérer et ses deux nouveaux postes, il ne cessait de courir. Même si Jim était un grand sportif depuis toujours, il aurait bien voulu un temps de pause. Juste quelques jours histoire de souffler un peu. Mais dès son retour, il avait du reprendre les commandes. Le Service de Ste Mangouste était ravi de revoir un Magicomage de sa trempe. Surtout que toute l’équipe le connaissait bien et ses collègues l’avaient vu grandir au sein du Service après l’obtention de ses ASPIC.

« C’est vrai qu’à l’époque quand tu étais en 7ème année… j’avais quoi, 14 ans ? Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire. Toi tu passes tes ASPIC, alors que moi j’arrivais à peine à allumer mon chaudron. Mais heureusement tu étais là pour me guider et m’épauler … quelle époque. » dit-il simplement en laissant échapper un petit soupire nostalgique de ses lèvres.

Jim plongea ses mains dans les poches de sa blouse blanche, puis se mit à rire de sa voix rauque lorsque Jeranda lui affirma qu’il était un peu trop doux dans ses propos. Finalement, elle lui attrapa le bras tout en lui omettant bien de lui dire ce qu’elle faisait à Poudlard. Qu’elle vienne à l’infirmerie pour un problème de santé, il l’avait bien comprit. Mais il ne rebondit pas dessus. Il hocha simplement de la tête et les anciens amis se retournèrent vers l’infirmerie. En entrant dans la pièce que Jim commençait à connaître sur le bout des doigts, il salua d’un bref signe de la main l’infirmière qui terminait les derniers lits.

« Je ne critiquerais jamais le travail de ma collègue et encore moins devant elle. » répondit Jim en esquissa un sourire aux coins des lèvres. « C’est elle qui a fait la demande auprès de McGonagall. Un problème de gestion. Après la guerre, il y a eu un gros manque au niveau des réserves. Et un post s’est ouvert. Alors je me suis jeté sur l’occasion. »

Tandis que Jeranda s’installait sur le bord d’un lit, Jim se dirigea vers la réserve située juste derrière son bureau. Il ouvrit une armoire en verre qui comportait tout un tas de fioles, de flacons de toutes les tailles, des pots, des boites et des seringues. Jim fouilla pendant quelques secondes et s’exclama lorsqu’il trouva enfin ce qu’il cherchait. Il referma la porte vitrée derrière lui, puis se dirigea vers Jeranda en lui tendant une toute petite fiole orange.

« Tiens, ça devrait faire l’affaire. Ca va tirer un peu au niveau du front pendant quelques secondes et tu pourras dire adieu à ta migraine. »

Il s’installa à son tour sur le lit, aux côtés de son ami. C’était très étrange comme situation, mais au fond, ça lui faisait du bien de voir une tête connue ici.

« J’ai vu défiler tout un tas d’adolescents depuis la rentrée … et ça me rappelle mes jeunes années ici. Tu te rappelles de la fois où Greg Trover m’avait jeté une potion ratée sur le bras ? Des poils noirs avaient recouvert tout mon bras droit, jusqu’à recouvrir entièrement mon corps au bout d’une heure. J’ai eu le droit au surnom de Yéti pendant une semaine … je me demande ce qu’il devient ce Greg … »

Encore un soupire. Les larges épaules de Jim s’affaissèrent. Il se retourna vers Jeranda pour voir si elle allait mieux. Il posa le dos de sa main sur son front.

« Pas de fièvre … ça va mieux ? » demanda-t-il plus sérieusement. « Au fait, tu ne m’as toujours pas dit ce que tu faisais à Poudlard. »

Reparler de nos anciennes années à Poudlard me rendait vraiment nostalgique. Mais en toute franchise, la présence seule de Jim me rendait nostalgique. Je n'allais pas pleurer, ni même sourire. Je partais simplement dans mes souvenirs, dans des moments agréables et innocents. Parfois je rêvais de retrouver cette innocence. Vivre le moment présent et ne pas songer au futur ou au passé. C'était si agréable. J'avais l'impression d'être à nouveau une adolescente de 16 ans à ses côtés. Il était beaucoup plus jeune à l'époque. Trois ans d'écart. Aujourd'hui, ces années ne se voyaient plus. Il était devenu un bel homme robuste et moi j'étais une femme mûre, qui marchait droit.

Jim m'expliqua qu'après la guerre les stocks de l'infirmerie étaient au plus bas. L'infirmière de Poudlard n'était pas en mesure de régler ça toute seule, ainsi elle avait demandé au professeur McGonagall d'intervenir et d'ouvrir un post de Médicomage. Naturellement, Jim s'était porté volontaire. En l'écoutant, je lui souris. C'était presque évident. Jim était ainsi, toujours prêt à se porter volontaire pour tout et n'importe quoi, déjà à l'époque. Digne d'un Gryffondor.

- Merci.

Je pris la fiole entre mes doigts et bu le contenu d'un coup sec. Effectivement, quelque chose se produisit au niveau de mon front. Comme si quelqu'un m'envoyait des coups d'élastiques; C'était très désagréable, je grinçais des dents sous l'effet de la douleur, mais la sensation passa rapidement. Mon mal de tête venait de disparaitre. Emerveillée, j'ouvris grand les yeux et me retourna vers Jim.

- C'est efficace ! Un peu violent ... mais très efficace.

Jim s'installa à mes côtés. Il commença à me parler de l'épidémie que j'avais pu également constater durant le mois d'Octobre après l'agression du jeune Poufsouffle. Jim n'était pas là pour rien. McGonagall devait être très inquiète pour faire venir un Magicomage à Poudlard. Il évoqua un souvenir marrant, même si je n'avais jamais porté Greg Trover dans mon coeur. Je haussais les épaules ne sachant absolument pas ce qu'était devenu cette tête de Troll.

- Aucune idée ... et vu ce qu'il t'a fait à l'époque, je n'ai pas du tout envie de savoir ce qu'il est devenu !

Je ris. Jim paraissait accablé. Ses épaules s'affaissèrent. Il posa sa main sur mon front. Je reculais légèrement sous la surprise du geste, puis lui attrapa la main pour la reposer sur ses genoux.

- Je vais mieux ne t'inquiète pas. Et c'est vrai, je ne sais pas où j'avais la tête ... je ne t'ai pas dit quelle était ma fonction à Poudlard. Et bien ... je suis professeur de Métamorphose ! Etonnant non ? J'apprends aux élèves à transformer leur animal de compagnie en verre à pieds, ce genre de choses ... Mais ça me plait bien. Enseigner ... je ne pensais pas qu'un jour je serais amenée à faire ça.

Finalement je me relevais, abandonnant le lit derrière moi. J'époussetais ma robe et tendit le flacon à Jim.

- Je suis sujette aux migraine régulièrement. Donc je risque de repasser de temps en temps te demander ce remède miracle. Mais dis moi Jim ... c'est à moi de te poser la question. Ca va ? J'ai remarqué tes soupirs toute à l'heure ... c'est la nostalgie de Poudlard qui te met dans cet état ? Ou autre chose ?

Jim regardait Jeranda avec insistance. Elle avait enfin obtenu le poste de ses rêves finalement. Devenir professeur de Métamorphose était quelque chose qu’elle avait toujours visé, du moins c’est ce dont il se souvenait. Jim la regarda se lever du lit, mais ne bougea pas pour autant. Un sourire simple se dessina sur ses lèvres. Elle lui expliqua ensuite qu’elle était sujette à de nombreuses migraines. Il leva un sourcil circonspect se demandant tout de suite si c’était grave ou pas. En l’analysant du premier coup d’oeil elle n’avait pas l’air franchement malade. Mais mieux valait surveiller tout ça de prêt.

- Tu es sûre ? Je veux dire … des migraines à répétition ce n’est franchement pas normal. Il faudrait surveiller ça. Reviens la prochaine fois, je te préparerais un remède qui permettra de voir si tout est en ordre là dedans.

Il pointa du bout de sa baguette le front de Jeranda.

- Je suis content de voir que tu es épanouie dans tes nouvelles fonctions. Personnellement je ne pourrais pas gérer une classe, j’ai déjà du mal avec moi même haha ! Tu as obtenu ce que tu désirais le plus, professeur de Métamorphose quelle classe ! Pas trop de pression avec le professeur McGonagall ?

Ceci expliquait peut-être les migraines ? La trop grosse pression qu’elle se mettait ? Mais probablement que Jim s’avançait un peu trop. A la question de son ancienne amie, le visage du Magicomage s’assombrit. Il laissa échapper un soupire, puis se leva du bord du lit à son tour. Les mains plongées dans les poches de sa blouse, il fit quelques pas vers les fenêtres de l’infirmerie qui donnaient une vue incroyable sur le Parc de Poudlard. Tout en fixant le paysage, il se mit à parler d’une voix calme.

- Tu sais ce qui s’est passé lors de la seconde guerre n’est-ce pas ? Je … j’ai quitté l’Angleterre pour me reconstruire une vie en espérant ne plus jamais devoir revenir. A la mort de mon père, je fus forcé de revenir ici pour traiter toute cette histoire de succession et les problèmes de famille. Mais … c’est comme si mes démons me rattrapaient. Je pensais qu’en travaillant à mi temps à Poudlard j’échapperai aux cauchemars qui m’ont tant fait souffrir. Mais non … ils sont toujours là. Je revois toujours cet ignoble loup garou en train d’ouvrir la gorge de mon fils. Il s’en est tiré en toute impunité … j’ai toujours ce sentiment d’injustice et d’inachevé en moi.

Il se retourna finalement vers Jeranda, les yeux humides. Reparler de tout ça était douloureux. Ca ne faisait que deux ans finalement … des souvenirs horribles, douloureux et encore trop frais.

- J’ai tenté de tourner la page une fois installé à New York. C’était presque bien parti, mais finalement la vie m’a redirigé ici. J’aimerai tant retrouver celui qui a détruit ma famille … et qu’il y ait enfin justice. Voilà ce qui me pèse sur les épaules depuis mon retour.

Il lâchait un gros soupire avant de rejoindre son bureau et de s’y installer.

- Mais je t’embête sûrement avec tout ça !

Jim n’aimait pas trop parler de lui en général, mais la présence de Jeranda lui faisait du bien. Elle lui rappelait la relation qu’ils avaient entretenue plus jeunes.

Je lui accordais un large sourire. Rassurant. Parler de mes problèmes de santé à Jim était peut être pas très judicieux. Surtout qu'on venait tout juste de se retrouver. Mais en même temps, je ne pouvais pas simuler. Je lui posais une main rassurante sur son bras.

- Merci Jim. Mais ne t'inquiète pas, ce n'est rien. Juste le stress ... et avec ce qui se passe au château, j'ai l'impression que les migraines deviennent plus fortes.

Je ne savais pas, honnêtement, si tout ça était lié. J'avais toujours eu des mal de tête plus ou moins prononcés en fonction de mon état de fatigue ou de stress. Mais je ne voulais pas rajouter une charge de travail pour mon ami, alors qu'il devait déjà s'occuper d'un tas d'élèves malades. Il pointa sa baguette sur mon front et je levais les yeux, louchant un peu, vers le bout de sa baguette.

- Si c'est pas mal de pression. Je suis contente, c'est vrai. C'est un peu un rêve qui se réalise enfin. Mais reprendre le poste de l'illustre McGonagall, ce n'est pas donné à tout le monde. Pour l'instant, elle n'a jamais rien dit sur ma méthode ou mon enseignement. Donc je suis plutôt contente. Mais je marche sur des oeufs à chaque cours ...

Je me mis à rire un peu nerveusement. Il faut dire que je me mettais la pression toute seule. J'avais toujours été une femme perfectionniste et très exigeante avec moi même. Minerva McGonagall le savait bien et c'était peut être pour ça qu'elle m'avait choisi. Parce qu'elle avait confiance en mon professionnalisme.

Jim s'écarta pour se positionner devant une fenêtre, les mains plongées dans les poches de sa blouse. Je restais à l'écart, mais gardais mes yeux posés sur sa silhouette massive. Il avait l'air songeur. Puis il m'expliqua pourquoi il était dans un tel état. Mon coeur se resserra à l'évocation de la seconde guerre. On avait vécu des choses terribles ... je n'en revenais toujours pas qu'on soit encore intactes, alors que des camarades ont perdu la vie.

Je me rapprochais de Jim en ne sachant pas quoi dire, ni quoi faire. Simplement écouter. Finalement il se retourna, les yeux humides.

- Jim ...

Il s'installa derrière son bureau et je marchais tranquillement, les mains jointes sur ma robe.

- Tu ne m'embêtes absolument pas.

Je m'installais sur l'un des fauteuils qui faisaient face à son bureau, puis considéra les étagères derrière lui, étrangement vides.

- Poudlard te donne une opportunité de démarrer quelque chose de nouveau. Bien sûr, ton passé existe, il est là et ne cessera de te hanter. Mais je pense qu'il faut que tu te concentres sur le présent, sur les choses que tu dois faire aujourd'hui. La vengeance ne résoudra rien. Mais je comprends ta douleur ... ta femme et ton fils doivent te manquer. J'ai également perdu des êtres chers durant la seconde guerre. Des amis, des proches ... et savoir que les Mangemorts furent envoyé à Azkaban m'a soulagé pendant un instant, mais ça n'a pas fait revenir mes amis d'entre les morts. La peine est toujours présente, crois moi. Mais elle s'étiole avec le temps. Et il faut se pardonner à soi pour avancer. Tu as une nouvelle vie à reconstruire maintenant.

Ca faisait deux ans que le drame s'était produit. Deux ans ... chacun faisait son deuil à sa façon. Mais la perte d'un enfant ou d'une épouse ne se guérissait pas aussi rapidement. Sauf que Jim ne pouvait pas rester dans la tristesse éternellement. Je lui accordais un large sourire, plein de compassion.