octobre 2000

Il n'y a qu'ici que je me sentais à l'aise. Ici que je pouvais exprimer ce que je ressentais. Et c'est dans cette pièce que je me sentais à l'abri des autres, du danger, des regards en biais. Je n'avais peur de personne et je pouvais enfin prouver de quoi j'étais capable. L'art c'était tout un concept. Très subjective, donner son opinion, critiquer dans un sens négatif, ce n'était pas ce que je recherchais, ni même ce que le cours nous proposait.

Je suis dans la salle d'art depuis une bonne demi heure, seul, devant une toile blanche. Aujourd'hui, même si j'ai l'esprit léger, je n'arrive à rien. J'ai beau essayer de ne pas réfléchir, aucune idée ne me vient en tête. A côté du chevalet, des boites en carton contiennent des tubes de peinture, des pinceaux plus ou moins neufs, des crayons gras, des pastels, des tissus, du papier de couleur, de la colle, des fusains ... bref tout un tas d'objets digne des plus grands maitres. J'ai le choix de la texture et pourtant je reste bloqué.

Mon petit Boursouflet se love contre mon cou. Il ressent ma peine à produire une toile hors du commun. Quelque chose qui ferait sourire mon professeur d'art et qui ferait bondir les autres étudiants. Je méritais d'exister par cette toile.

Je tournais en rond dans la pièce, observant les différents ateliers vides. Il n'y avait personne pour m'épier de son regard critique. Alors pourquoi n'y arrivais-je pas ? Je poussais un lourd soupire, puis passa une main dans mes cheveux en essayant de comprendre ce qui bloquait. Mais rien ne me venait à l'esprit.

Soudain quelqu'un passa la porte de la salle d'Art. Je me retournais prestement sur mes talons et fut très étonné de voir Jasmine. Elle ne m'aimait pas particulièrement. Pas qu'on se détestait, loin de là, mais elle n'était pas mon amie. J'avais peu d'amis de toute façon ...

- Jasmine ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Je me posais devant la toile blanche, un peu gêné. Mes joues commencèrent à s'empourprer aussitôt. Pourquoi étais-je aussi timide sérieux ? Ca me pourrissait l'existence ...

Depuis l’agression de Mike dans les cahots, j’avais l’impression qu’une sorte de masse sombre s’était imposée au dessus du château. Comme un voile de tristesse et de mauvais augures. Peut-être que je devrais penser à rejoindre la tour de Divination et en parler au professeur en question. J’adorais cette matière. Il m’arrivait souvent de tirer les cartes le soir avant de me coucher. Je le faisais souvent seule, parfois avec Louise lorsqu’elle daignait se prêter au jeu, ou sinon avec Telma. Mais souvent seule quand même …

Assise sur le bord de mon lit, je tirais les cartes, une à une. Rien de bon. Que des mauvais présages. J’avais beau les retourner dans tous les sens, elles menaient toujours vers le même message. Quelque chose de bien pire allait se produire. Je quittais mon dortoir pour rejoindre la Grande Salle afin de prendre mon petit déjeuner. J’étais en compagnie de Louise, mais bien trop dans mes pensées pour écouter un traitre mot de ce qu’elle pouvait déblatérer. Nina et Laura étaient également présentes. Elles parlaient des garçons de cinquième année. Un sujet qui aurait du me tendre l’oreille, mais j’étais encore en train de tourner mes cartes de divination dans ma tête, essayant de voir où j’aurai pu me tromper.

« Les filles … je ne sais pas si j’ai fait une mauvaise interprétation ce matin dans le tirage des cartes, mais je n’arrête pas de penser que le cas de Mike est le cadet de nos soucis. »
« Qu’est-ce que tu racontes Jasmine » s’inquiéta Laura. « Tu as consulté le carnet des oracles ? »
« Oui ! Tout concorde ! »
« Peut-être que tu devrais montrer ton tirage au professeur de Divination … elle saura te dire si tu as bien interpréter ou pas les signes et symboles. »

Mouais. Je n’étais pas convaincue. J’étais pas totalement stupide et je savais que la professeur de Divination ne m’aiderait pas sur ce coup. Je quittais la table des Poufsouffle pour rejoindre mon premier cours de la journée. Après un double cours de Botanique et un cours horrible de Sortilèges et Enchantements, je regagnais les étages supérieurs pour accéder à la salle d’Art Magique. Je pensais y être toute seule. J’avais besoin d’évacuer le stresse qui me gagnait.

Mais non, il fallait que je tombe sur cet abrutit de Luke et son Boursouflet rose. Je levais les yeux au ciel en le voyant là, devant une toile blanche. Ca ne m’étonnait presque pas. Ce garçon était insipide et d’un ennui mortel. C’était lui qui aurait du partir à Ste Mangouste, pas Mike. Je laissais tomber lourdement mon sac sur le sol et me dirigea vers une toile blanche.

« Et bien je viens peindre … t’as cru la salle t’était réservée ? »

Je secouais la tête agacée par la présence de mon camarade Poufsouffle et d’un coup de baguette magique, fit léviter une palette, des tubes de peintures et un pot de pinceaux jusqu’à mon niveau. Je les laissais en lévitation à côté de moi et commença à sortir la couleur des tubes sur la palette en bois. Les couleurs primaires de préférence, je faisais mes mélanges toute seule.

« Tu traines toujours avec ton boursouflet ? T’es plus un bébé Blackwell … c’est ridicule. »

J’étais d’humeur exécrable. Et le pauvre Luke s’en prenait plein la tronche.